Skip to main content

Infolettre sur la fiscalité équitable, 18 décembre 2020

Inscrivez-vous pour recevoir ces infolettres

Infolettre sur la fiscalité équitable

Par Erika Beauchesne

18 décembre 2020

 

Les engagements envers l’équité fiscale de l’énoncé économique sont les bienvenus, mais il faut en faire plus 

Les Canadiens pour une fiscalité équitable se sont réjouis qu’un certain nombre d’engagements envers l’équité fiscale aient été pris lors de l’énoncé économique d’automne de la ministre des Finances Freeland la semaine dernière. Ces engagements comprennent un certain nombre de mesures que les Canadiens pour une fiscalité équitable ont longtemps défendues lors de leurs campagnes. Nous nous réjouissons donc de constater les progrès qu’entraînent ces engagements, mais il faut en faire plus.

L’engagement le plus important pris par les libéraux fédéraux est l’imposition d’une taxe numérique sur les géants étrangers de l’Internet, qui exige que les compagnies de commerce électronique recueillent et remettent la taxe de vente au Canada et qu’elles appliquent la TPS aux biens expédiés à partir d’« entrepôts de traitement des commandes » de style Amazon. Ces mesures longuement attendues vont enfin aider à égaliser les chances pour les compagnies canadiennes tout en générant des revenus importants pour les gouvernements fédéral et provinciaux. Il y a deux ans, le Québec a introduit des mesures d’équité fiscale en matière de commerce électronique, alors que plusieurs pays, dont la France, prennent des mesures unilatérales pour imposer les grandes compagnies technologiques en l’absence de consensus mondial.

L’énoncé économique de l’automne comprenait des propositions pour limiter la déduction pour option d’achat d’actions, qui constitue l’une des pires échappatoires fiscales pour les riches. Toutefois, des revenus beaucoup plus substantiels pourraient être générés si cette échappatoire était entièrement éliminée, de même que plusieurs autres échappatoires coûteuses, comme les taux moins élevés sur les gains en capital.

En plus de fournir davantage de financement à l’Agence du revenu du Canada pour la lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger, les libéraux ont annoncé des plans renforçant les dispositions législatives qui préviennent l’évitement fiscal au moyen des dispositions générales anti-évitement (DGAÉ). Il est clair que les règles en vigueur au Canada sont inadéquates, ainsi que l’ont démontré les victoires de Cameco et de Loblaws contre l’ARC devant les tribunaux. Les Canadiens pour une fiscalité équitable demandent depuis des années au gouvernement fédéral de renforcer ses lois anti-évitement en y incluant des règles sur la substance économique, ainsi que l’avait suggéré l’ancien député Murray Rankin dans son projet de loi d’initiative parlementaire C-362. Nous nous réjouissons de constater que le gouvernement fédéral est en train d’aller de l’avant sur cette question.

L’énoncé économique de l’automne révélait également qu’il est prévu que la date fédérale double pour atteindre plus de 1,4 trillion $ d’ici quelques années. Bien que cela soit gérable, le gouvernement fédéral aura besoin de revenus plus élevés pour payer les coûts de la crise et du redressement. Nous devons nous assurer que ces fonds proviennent de taxes progressistes à l’encontre des grandes compagnies et des riches qui sont en mesure de payer davantage, et non pas de taxes régressives qui empireraient les inégalités.

Le gouvernement fédéral pourrait générer des dizaines de milliards en revenus supplémentaires en éliminant les échappatoires fiscales, en luttant contre les paradis fiscaux, en imposant la richesse extrême et en restaurant les taxes sur les entreprises. L’énoncé économique de l’automne a fait quelques pas dans cette direction; nous continuerons de militer pour que des mesures plus ambitieuses soient prises dans les budgets futurs.

Un nouveau rapport, dont les Canadiens pour une fiscalité équitable sont les auteurs, conclut que les milliardaires du Canada se sont enrichis de 53 milliards $ au cours de la pandémie. Élément graphique : Hands on Publications

La pression monte en ce qui concerne l’impôt sur la richesse et d’autres mesures pour combattre les inégalités

Les Canadiens pour une fiscalité équitable ont récemment publié un rapport qui concluait que les milliardaires canadiens avaient accru leurs richesses de 28 % au cours de la pandémie, ajoutant 53 milliards $ à leurs fortunes à un moment où des millions de Canadiens ont à peine de quoi survivre.

Notre rapport démontrait comment les inégalités ont empiré au cours de la dernière décennie, tout particulièrement en ce qui concerne les personnes les plus riches, et comment les libéraux fédéraux pourraient remplir leurs engagements du discours du Trône en ce qui concerne l’impôt sur la richesse extrême, y compris en présentant un impôt sur la richesse et sur les successions, en neutralisant les échappatoires fiscales pour les riches et en combattant l’utilisation de paradis fiscaux par les riches particuliers. Lisez notre couverture médiatique dans le Journal de Montréal, le Financial Post, le Huffington Post, Yahoo News et Jacobin magazine. Le rapport a également retenu l’attention de Radio-Canada et de douzaines de stations de radio locales de CBC à travers tout le pays.

Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour que cette question importante continue d’être d’actualité. Toby Sanger, directeur des Canadiens pour une fiscalité équitable, et Andrew Jackson, conseiller politique de l’Institut Broadbent, ont publié un article dans la dernière Revue fiscale canadienne dans lequel ils plaident en faveur d’un impôt sur la richesse. Erika Beauchesne, coordinatrice des communications des Canadiens pour une fiscalité équitable, a récemment publié un écrit sur la nécessité d’imposer les super-riches dans le National Observer. Notre graphique sur les inégalités de richesse a été inclus dans les graphiques à surveiller en 2021 par maclean’s.

La pression s’accentue sur le gouvernement pour qu’il impose la richesse extrême. Le NPD fédéral continue de plaider en faveur d’un impôt sur la richesse alors qu’un nouveau sondage mené par Abacus Data démontre que le soutien du public s’accroît : 8 Canadiens sur 10, y compris des répondants de tout âge, de tout niveau de revenu et de toute allégeance politique, sont désormais en faveur d’un impôt pour les personnes très riches.

Aborder la question de la concentration extrême de la richesse est devenu une priorité mondiale. De nouvelles données internationales tirées de la World Inequality Database indiquent que les inégalités augmentent, bien que certaines régions s’en tirent mieux que d’autres. En ce qui concerne la part de revenus, avant impôt, des 10 % les plus riches en 2019, l’Australie (35 %) et la Nouvelle-Zélande (37 %) continuent d’être considérablement plus équitables que le Canada (43 %) et les É.-U. (45 %), mais le classement du Canada était moins bon que celui des É.-U. en ce qui concerne la transparence des richesses et des inégalités de revenus.

Les gouvernements de tous les niveaux sont en train de reconnaître que de nouvelles mesures fiscales sont nécessaires pour réduire les inégalités exacerbées par la pandémie. Récemment, San Francisco a suivi le chemin emprunté par Portland, Oregon et a introduit un impôt sur les entreprises qui paient leurs dirigeants 100 fois plus que leurs travailleurs moyens. On s’attend à ce que l’impôt des DG génère entre 60 et 140 millions de dollars par année.

Dans sa lutte contre le Covid-19, l’Argentine a voté pour une taxe sur les grandes fortunes.

Un nouveau rapport publié par le Tax Justice Network a permis de calculer le coût mondial des échappatoires fiscales. Élément graphique par TJN

Plus de 560 milliards $ en revenus mondiaux perdus à cause des paradis fiscaux : étude du Tax Justice Network

À l’échelle mondiale, les échappatoires fiscales par les sociétés et l’évasion fiscale coûtent plus de 560 milliards $ CAN chaque année, d’après une nouvelle étude publiée par le Tax Justice Network (TJN).

TJN a utilisé des renseignements récemment publiés par l’OCDE pour calculer combien les pays perdent en évitement et évasion fiscaux. Selon l’estimation réalisée par leur étude, le Canada perd au moins 7,9 milliards $ CAN par année, un montant égalant les salaires de plus de 100 000 infirmières.

Lorsqu’on tient compte des pertes fiscales plus grandes, y compris celles que génère la « course vers le plus bas » liée aux taux de taxation des sociétés les plus bas, nous perdons encore davantage — entre 12,5 milliards $ CAN et 68 milliards $ CAN annuellement. En permettant aux sociétés d’éviter les taxes dans d’autres pays, le Canada contribue également à des pertes de revenus de 10,5 milliards $ pour lesdits pays, qui sont souvent des pays en développement dont les revenus sont inférieurs.

Malheureusement, le Canada se classe à un niveau très bas mondialement en ce qui concerne la transparence des entreprises, et il est probable que les pertes réelles soient en fait supérieures à ces estimations. Nous représentons un paradis pour les blanchisseurs d’argent internationaux qui peuvent mettre en place des sociétés fictives, la transparence relative aux finances et à l’imposition des entreprises est peu transparente, et le gouvernement canadien n’a pas rendus publics ni partagés de renseignements sur l’établissement de rapports pays par pays par les multinationales.

Dans le cadre d’un communiqué de presse, les Canadiens pour une fiscalité équitable ont invité le gouvernement du Canada à augmenter ses efforts de lutte contre les échappatoires fiscales des sociétés et a approuvé les recommandations du rapport pour que les gouvernements adoptent un impôt sur les profits excessifs et exigent l’établissement de rapports pays par pays pour les multinationales.

TJN a été l’hôte d’un Webinaire au sujet de ses conclusions et de la manière d’aborder les échappatoires fiscales au niveau mondial. Vous pouvez le regarder en cliquant ici.

Les femmes sont très lourdement désavantagées par la pandémie et la nécessité que le gouvernement investisse dans la garde d’enfants n’a jamais été aussi criante. Photographie : Pixabay

Les experts insistent sur les avantages des investissements dans les services publics

Un nouveau rapport publié par le Centre for Future Work dont Jim Stanford, membre du comité technique des Canadiens pour une fiscalité équitable, est l’auteur, conclut que l’investissement dans un programme de garde d’enfants à l’échelle nationale « s’autofinancerait » en générant 29 milliards $ par année en revenus fiscaux supplémentaires par l’intermédiaire de nouveaux revenus, de dépenses accrues et de coûts sociaux réduits.

Selon le rapport, un programme national de garde d’enfants accessible et abordable pourrait amener jusqu’à 726 000 femmes à joindre le marché du travail sur une période de 10 ans. L’investissement a également le potentiel de créer des dizaines de milliers d’emplois supplémentaires dans le domaine de la construction.

Les femmes ont été touchées de manière disproportionnée par la présente crise économique, que l’économiste Armine Yalnizyan, membre elle aussi du comité consultatif technique des Canadiens pour une fiscalité équitable, a d’abord appelé un « récession-elle ». Lors de leur récent exposé économique de l’automne, les libéraux fédéraux se sont engagés à créer un programme national de garde d’enfants pour aider plus de femmes à joindre le marché du travail, mais certains disent que le plan ne progresse pas assez rapidement.

De plus en plus d’experts incitent les gouvernements à faire maintenant des investissements publics pour stimuler la création d’emplois et pour reconstruire une économie plus inclusive et plus durable. Récemment, le FMI a insisté sur le fait que nous vivons un moment de l’histoire qui offre une occasion radicale de changer dans certains domaines, comme la création d’emplois de qualité plus élevée et l’amélioration des protections sociales.

Un écrit récent publié par Alex Himelfarb, membre du conseil consultatif des Canadiens pour une fiscalité équitable et ancien clerc du conseil privé fédéral, étudie pourquoi la dette liée à la COVID-19 ne devrait pas mener à la panique, mais plutôt constituer une occasion de réparer ce qui ne fonctionne pas et entre autres, de créer un système d’impôt plus équitable.

Rod Philips, ministre des Finances de l’Ontario, prononce un discours devant la législature. Récemment, en novembre, la province a dévoilé son budget 2020. Photo : Twitter

Le budget de l’Ontario, qui est centré sur les suppressions fiscales pour les entreprises, pourrait empirer la pandémie

Certains gouvernements ont reconnu la nécessité urgente de renforcer les filets de sécurité sociale au cours de la pandémie. Toutefois, d’autres se concentrent plutôt sur les suppressions fiscales pour les entreprises, ce qui pourrait entraîner de dangereuses répercussions alors que le Canada subit une vague plus importante d’infections à la COVID. Doug Ford, premier ministre conservateur de l’Ontario, a récemment publié un budget qui donne priorité aux entreprises, mais qui offre très peu en nouveaux investissements pour améliorer la sécurité du public.

La province planifie de verser plus d’un milliard dans la suppression de coûts d’électricité des industries de taille moyenne et grande. Selon une analyse, les suppressions fiscales totales du budget pourraient faire en sorte que les entreprises reçoivent 875 millions $ en suppressions fiscales pour l’exercice 2021-21. Ainsi que l’opposition l’a fait remarquer, effectuer des suppressions fiscales au cours d’une pandémie, alors que les entreprises du courant dominant se battent pour survivre, n’a pas beaucoup de sens.

L’Ontario a également discrètement adopté de nouvelles règles permettant aux agents immobiliers de s’incorporer et de tirer avantage de taxes réduites, ce qui mènera à des inégalités fiscales et entraînera des pertes de revenus importantes aux niveaux provincial et fédéral. Nous traversons une époque où les gouvernements ont besoin de fonds supplémentaires pour protéger le public, et la présentation de suppressions fiscales et d’échappatoires fiscales constitue une mauvaise stratégie.

Les Canadiens d’autres provinces, comme l’Alberta, constatent déjà les conséquences tragiques du financement inadéquat des services publics afin de payer des allégements fiscaux aux grandes entreprises.