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Infolettre sur la fiscalité équitable, février 2021

Photo: Daniel Barnes

Mansion

La pression exercée sur les gouvernements pour des réformes fiscales monte autant que se creusent les inégalités

Durant la pandémie, les dix hommes les plus riches au monde se sont enrichis de 540 milliards de dollars, une somme suffisante pour vacciner la population mondiale, d'après un nouveau rapport d'Oxfam.

Le rapport conclut que la richesse des milliardaires de ce monde dépasse 11,95 billions de dollars, ce qui équivaut à la somme des dépenses publiques prévues pour la relance économique des membres du G-20. Alors que la plupart des plus fortunés ont connu la prospérité durant la pandémie, les plus pauvres au monde pourraient mettre plus d’une décennie à se remettre de la crise. Ce serait notamment le cas pour les femmes et les personnes de couleur, qui sont le plus fortement touchées. Pour s’attaquer au creusement des inégalités, Oxfam recommande plusieurs politiques, dont l’impôt de solidarité sur la fortune. Il s’agit de la plus récente étude démontrant à quel point la COVID-19 a accentué l’écart entre les classes sociales dans le monde.

Quelques jours avant le Super Bowl, l’organisation Americans for Tax Fairness et l’Institute for Policy Studies ont publié un rapport (en anglais) indiquant que 64 magnats milliardaires du monde sportif avaient accru leur richesse de plus de 98,5 milliards de dollars, malgré les licenciements collectifs de travailleurs et du personnel des stades. Parmi ces magnats figurent des Canadiens comme Joseph Tsai et Daryl Katz et, d’après notre dernier rapport sur la croissance de la richesse des milliardaires au Canada, le pays n’échappe pas à l’aggravation des inégalités.

Un rapport publié dernièrement par la CIBC attire l’attention sur l’écart de revenu entre les Canadiens, qui se creuse à un rythme alarmant (en anglais). Benjamin Tal, économiste à la CIBC, affirme que le gouvernement pourrait aborder cet important phénomène asymétrique (en anglais) en reconsidérant les impôts sur les gains en capital.

Comme l’annonce du budget fédéral approche, d’autres experts préviennent Ottawa qu’il lui faudra des mesures d’imposition plus ambitieuses (en anglais) pour s’attaquer aux inégalités. Même de riches chefs de file du monde des affaires québécois demandent aux plus fortunés de payer davantage d’impôts. Notre dernier rapport, Il est temps de taxer les inégalités extrêmes de richesse, propose plusieurs réformes fiscales pour s’attaquer au cumul de la richesse au haut de la pyramide, notamment un impôt de solidarité sur la fortune. Dans un article récent du quotidien The Globe and Mail (verrou d’accès payant) (en anglais), le directeur de Canadiens pour une fiscalité équitable, Toby Sanger, réfute des arguments communs contre l’impôt sur la fortune, comme l’idée qu’une telle mesure fiscale serait trop difficile à mettre en œuvre.

L’idée d’imposer la fortune prend aussi son élan dans le monde alors que les gouvernements cherchent de nouvelles sources de revenus pour payer pour la crise. L’Argentine vient d’ailleurs d’instaurer un impôt de solidarité sur la fortune des millionnaires (en anglais). Dernièrement, même la Banque mondiale a écrit (en anglais) qu’un impôt sur la fortune représente un moyen d’aborder les inégalités et les besoins en dépenses publiques. Aux États-Unis, les gouvernements des États se penchent sur l’augmentation des impôts des fortunés (en anglais) pour soutenir la crise. La sénatrice Elizabeth Warren, qui vient tout juste de rejoindre les rangs du Senate Finance Committee (en anglais), a relancé les négociations entourant l’impôt sur la fortune (en anglais).

Nos collègues de l’Institut Broadbent viennent tout juste de lancer un nouveau site Web qui promeut l’impôt sur la fortune au Canada. Vous pouvez leur apporter votre soutien en vous inscrivant ici.

 

Une capture d’écran d’une vidéo qui promeut un nouveau rapport concluant que la société de soins de longue durée Revera a pratiqué l’évitement fiscal pendant des années. Crédit : PSIUnion

Un nouveau rapport soulève des questions concernant les pratiques fiscales et le niveau de transparence de Revera

Revera, une des plus grandes sociétés de soins de longue durée au Canada, échappe à l’impôt depuis des années, selon un nouveau rapport (en anglais) du Centre for International Corporate Tax and Research (CICTAR). Le rapport révèle que Revera génère d’importants revenus grâce à ses établissements au Royaume-Uni, mais qu’elle transfert ses bénéfices à des coquilles vides situées dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg et les îles Jersey et Guernesey. Visionnez cette vidéo (en anglais) qui souligne les conclusions du rapport.

La société Revera appartient à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public. Elle est donc une société de la Couronne responsable d’investir pour les régimes de pensions des fonctionnaires fédéraux. Elle reçoit également plus de 600 millions de dollars par année en financement public pour fournir des soins de longue durée. Dans un communiqué de presse (en anglais) répondant au rapport du CICTAR (en anglais), Canadiens pour une fiscalité équitable a réclamé un renforcement des mesures de transparence fiscale et de responsabilisation en expliquant que le public a le droit de connaître la valeur des profits de Revera au Canada pour son exploitation de centres de soins de longue durée, et ce qu’elle fait de ces profits.

CICTAR, lui, a été en mesure d’obtenir des informations sur l’exploitation de Revera parce que ses filiales sont situées au Royaume-Uni, où les exigences de divulgation sont plus strictes. Voilà un autre élément rappelant que le Canada doit se joindre à d’autres autorités pour améliorer la transparence des sociétés.

Dernièrement, Transparency International a publié son Index des perceptions de la corruption, qui montre que le Canada continue de se classer en dessous des 10 pays (en anglais) les moins corrompus, derrière des meneurs comme la Nouvelle-Zélande et le Danemark. Le rapport montre que le Canada a du pain sur la planche pour améliorer son classement, particulièrement pendant une pandémie qui fait augmenter le besoin de transparence et de responsabilisation.

En mai 2020, Canadiens pour une fiscalité équitable a pris les rênes de l’appel à davantage de transparence et de responsabilité face aux dépenses liées à la pandémie de la COVID-19 (en anglais) en rédigeant une déclaration appuyée par d’autres organisations, notamment Transparency International.

Le Canada devrait suivre l’exemple du fonds de pension du gouvernement norvégien. Ce dernier vient de retirer certains de ses investissements de sociétés (en anglais) qui participent à la planification fiscale agressive et de sociétés qui ne divulguent pas d’informations sur l’endroit où elles paient des impôts et leur façon d’agir.

 

C’est le moment de « freiner les FPI » qui tirent profit des échappatoires fiscales diminuant l’offre de logements abordables

ACORN Canada, organisation se portant à la défense des locataires et des personnes à faible revenu, a lancé sa campagne « Rein in the REITs » (en anglais), qui peut se traduire par « Freinons les FPI », afin d’éliminer les avantages fiscaux coûteux dont bénéficient les fiducies de placement immobilier (FPI), ou, au minimum, de les lier à l’offre de logements abordables.

Actuellement, les FPI constituent 90 % des grands propriétaires canadiens. Elles accroissent leurs profits, tout en aggravant la crise du logement, grâce à des opérations d’achat-revente sur les unités résidentielles et à une augmentation des prix des loyers agressive et supérieure au taux d’inflation. Pire encore, les FPI ne sont pas soumises aux impôts sur les bénéfices des sociétés, ce qui entraîne la perte de milliards de revenus qui auraient pu être utilisés pour financer les logements abordables.

D.T. Cochrane, chercheur pour Canadiens pour une fiscalité équitable, a constaté que si sept des FPI résidentielles avaient été soumises aux mêmes taux d’imposition que les sociétés canadiennes, elles auraient versé plus de 1,2 milliard de dollars en impôts depuis 2010. CAPREIT, la plus grande FPI au Canada, aurait eu à payer plus de 425 millions de dollars en impôts.

Canadiens pour une fiscalité équitable soutient ACORN dans son appel au retrait de l’exonération fiscale dont bénéficient les FPI dans le cadre de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. Pour en savoir plus sur cette campagne et les façons pour vous de l’appuyer, visitez le site Web d’ACORN.

 

La société Pfizer, qui profite de la pandémie, pousse pour des allègements fiscaux alors qu’elle retarde l’expédition de vaccins

Cette année, le géant pharmaceutique Pfizer inc. a révélé qu’il s’attend à récolter plus de 4 milliards de dollars américains en profits grâce à son vaccin contre la COVID-19. En même temps, il continue de presser ardemment le gouvernement canadien de lui accorder encore plus d’allègements fiscaux et d’autres avantages fiscaux qui permettraient de maintenir élevé le prix des médicaments. À l’inverse, d’autres fabricants de vaccins ont pris l’engagement de vendre leurs vaccins au prix coûtant et de partager leurs brevets.

Dans un communiqué de presse (en anglais), nous avons souligné que Pfizer fait ces demandes même s’il paie très peu en impôts et enregistre des milliards de dollars de profits. En 2020, la société a déclaré des profits de 9,6 milliards de dollars américains alors qu’elle payait un impôt sur le revenu de seulement 6,4 %.

Pendant des années, Pfizer a utilisé les paradis fiscaux et le transfert de bénéfices (en anglais) pour éviter d’avoir à payer sa juste part. Pendant des décennies, la société a d’ailleurs tiré profit de la réduction des impôts frappant une société, tout en coupant considérablement dans ses dépenses en recherche et développement au Canada, qui s’élèvent désormais à moins de 1 % de ses revenus.

Lors d’entrevues avec le quotidien The Globe and Mail et CTV National News (articles en anglais), le directeur de Canadiens pour une fiscalité équitable, Toby Sanger, a souligné que les raisons pour lesquelles Pfizer demande des allègements fiscaux en pleine pandémie sont troublantes.

Nous sommes à un moment où le gouvernement doit augmenter les impôts touchant les sociétés multinationales très lucratives, et non les réduire. La pandémie a également démontré qu’en tant que pays, nous devons développer à nouveau notre capacité publique à faire des recherches et à produire nos médicaments et vaccins. Ainsi, le Canada n’aurait plus à se faire bousculer par des sociétés multinationales.

Canadiens pour une fiscalité équitable encourage ses sympathisants à signer sa lettre (en anglais) adressée à la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, qui lui demande de ne pas céder aux pressions exercées par Pfizer Canada (en anglais) pour obtenir des allègements fiscaux et d’autres avantages dans le budget à venir.

 

Une récente proposition de la Fédération canadienne des contribuables visant à couper dans le salaire des travailleurs du secteur public pourrait conduire au désastre en période de pandémie.

Canadiens pour une fiscalité équitable et le Syndicat canadien de la fonction publique du Nouveau-Brunswick rejettent la proposition de la Fédération canadienne des contribuables

Des lobbyistes d’entreprise et d’autres groupes s’opposant aux impôts exercent une pression sur les gouvernements provinciaux alors qu’ils préparent leur budget pour l’exercice 2021. Dernièrement, la Fédération canadienne des contribuables a déposé une scandaleuse proposition prébudgétaire au gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui implique d’énormes allègements fiscaux pour les particuliers et les entreprises ainsi qu’une diminution de 15 % des salaires des travailleurs du secteur provincial.

Dans une lettre publiée par plusieurs médias de la province (en anglais), Toby Sanger, directeur de Canadiens pour une fiscalité équitable, et Brien Watson, président du Syndicat canadien de la fonction publique du Nouveau-Brunswick, ont critiqué la proposition (en anglais) en montrant qu’elle bénéficierait à ceux dont les revenus sont déjà importants, alors qu’elle laisserait des centaines de milliers de Néo-Brunswickois à revenu faible ou intermédiaire sans le sou. En fait, la proposition empirerait la situation, car elle réduirait les revenus de la province à un moment où, plus que jamais, les services de première ligne sont nécessaires.

D’importants économistes s’accordent pour dire qu’il s’agit du moment idéal pour les gouvernements d’investir dans les services publics (en anglais) afin de se remettre de la pandémie.

 

Silhouette des immeubles de Vancouver. Crédit : Gilad Rom, flickr

Bonne nouvelle : La taxe sur la spéculation immobilière améliore la disponibilité des logements

Malgré l’opposition des contestataires de la taxe, de nouvelles données démontrent que la taxe britanno-colombienne sur la spéculation immobilière a favorisé la location de logements à long terme dans la province et permis d’amasser plus de 88 millions de dollars.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a imposé cette taxe en 2018 afin de freiner l’utilisation d’habitations vides en tant qu’investissements par des spéculateurs et des propriétaires étrangers. Le phénomène avait contribué à la crise d’accessibilité au logement de la province.

D’après les dernières données sur les déclarations de revenus de 2019, 92 % des 88 millions de dollars amassés en 2019 proviennent de propriétaires étrangers (en anglais), de Canadiens résidant à l’extérieur de la Colombie-Britannique et d’autres propriétaires ne résidant pas dans la province, les soi-disant familles satellites dont le revenu provient d’ailleurs que du Canada. La mesure fiscale a contribué à l’augmentation de 16 % du nombre de projets résidentiels ainsi qu’à l’augmentation de l’offre de logements abordables.

D’autres provinces, comme l’Ontario, où se situent des grandes villes également confrontées à des problèmes d’accessibilité et d’abordabilité des logements devraient adopter des mesures fiscales semblables.

 

 

Photo: Daniel Barnes