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Les 0,01% contre le reste d'entre nous

14 décembre 2021 Par DT Cochrane

Mansions Daniel Barnes Unsplash

[Traduction de l'article initialement publié en anglais dans Canadian Dimension].

Que pourrait faire le Canada avec 20 ans de perte d'impôt sur les sociétés [Article initialement publié dans Canadian Dimension].

Si le un pour cent est évidemment beaucoup plus riche que la personne moyenne, la disparité est encore plus frappante si l'on considère le 0,01 pour cent d'ultra-élite[1]. Une part croissante du revenu de l'ultra-élite provient des gains en capital. L'élimination de l'exclusion des gains en capital est donc une étape importante dans la réduction des inégalités.

Le graphique ci-dessus montre à quel point les revenus de l'élite sont supérieurs à ceux des autres membres du 1 %, sans parler du reste d'entre nous.

En 2019, le 0,01 % le plus élevé - également connu sous le nom de 1 % du 1 % - a perçu une moyenne annuelle de 8,9 millions de dollars, soit cinq fois plus que le 0,9 % suivant et 20 fois plus que les autres membres du 1 %, sans parler de 477 fois le revenu moyen des 50 % les plus pauvres.

Average annual income graph by DT Cochrane and Clement Nocos

 

DEVENIR ENCORE PLUS RICHE

En 2010, Occupy Wall Street a popularisé le slogan " Nous sommes les 99 % " pour dénoncer l'excès de richesse et de pouvoir du 1 % qui gagne le plus. Malheureusement, ceux qui sont au sommet continuent de s'emparer d'une part surdimensionnée des revenus et de la richesse, tant au Canada que dans le monde. Entre 2010 et 2019, le 1 % des personnes les mieux rémunérées a ajouté près de 140 000 $ à son revenu moyen, tandis que le 0,01 % de l'élite a bénéficié d'une augmentation de 2,9 millions de dollars.

Sur la même période, le revenu moyen des 50 % les plus pauvres a augmenté d'un montant relativement dérisoire de 4 700 dollars. Cela signifie que l'augmentation du revenu d'une personne faisant partie du 0,01 % est égale à l'augmentation partagée par plus de 600 personnes faisant partie des 50 % les plus pauvres.

 

TOUT SUR LES GAINS EN CAPITAL

Le revenu total comprend les gains en capital réalisés, qui proviennent de la vente d'actifs à un prix supérieur à leur prix d'achat. Les gains en capital sont répartis de manière beaucoup plus inégale que les autres formes de revenu. Le graphique ci-dessous montre la part des gains en capital réalisés revenant à des groupes dans la répartition des revenus.

Environ un quart des gains en capital réalisés va à chacun de ces groupes. Cela signifie que les 28,8 000 personnes faisant partie du 0,1 % supérieur - une part de la population trop petite pour être visible sur le graphique - reçoivent autant que les 25,9 millions de personnes faisant partie des 90 % inférieurs.

Les gains en capital représentent une part croissante des revenus de l'ultra-élite. Comme le montre le tableau ci-dessous, plus de la moitié de l'augmentation du revenu moyen des 0,01 % les plus riches et des 0,09 % les plus pauvres provient des plus-values réalisées.

Les gains en capital sont beaucoup plus volatils que les autres types de revenus. Toutefois, la part des gains en capital dans le revenu de l'ultra-élite présente une tendance claire. Tout au long des années 1990, les gains en capital réalisés représentaient moins de 13 % du revenu total de l'ultra-élite. Depuis le début des années 2000, cette part a nettement augmenté. En 2019, la part des gains en capital a atteint 28 pour cent, le deuxième plus haut niveau enregistré.

Il convient de souligner qu'il s'agit uniquement des gains en capital réalisés lors de la vente d'actifs. La plupart des gains en capital sont non réalisés, ce qui signifie qu'un actif n'a pas été liquidé pour recueillir la plus-value. Les gains en capital non réalisés augmentent quand même la richesse des propriétaires d'actifs. Les contribuables canadiens ont déclaré des gains en capital réalisés totaux de 63 milliards de dollars en 2019. Mais la valeur de tous les actifs des ménages a augmenté de 911 milliards de dollars.

 

LES IMPÔTS PEUVENT RÉDUIRE LES INÉGALITÉS

Notre système d'impôt sur le revenu progressif réduit les inégalités. Cependant, en 2019, les 0,01 % ont pu payer un taux d'imposition effectif sur le revenu déclaré inférieur à celui du reste du centile supérieur : 30 % contre 31 %.

Cette inversion à l'extrême haut de gamme est possible pour au moins trois raisons : 1) l'insuffisance des tranches d'imposition supérieures, 2) la part croissante des gains en capital au sein des revenus de l'élite, et 3) l'utilisation croissante de dispositifs de planification fiscale sophistiqués.

En 2019, la tranche d'imposition marginale supérieure du Canada s'appliquait à tous les revenus supérieurs à 210 371 $[2]. L'ajout d'une autre tranche d'imposition à 750 000 $ - le seuil approximatif du 0,1 % - pourrait rapporter 1 milliard de dollars ou plus en recettes publiques supplémentaires tout en réduisant les inégalités. Une tranche supplémentaire à 2,5 millions de dollars, qui couvrirait le 0,01 %, irait encore plus loin.

Les revenus provenant des gains en capital réalisés bénéficient d'un traitement préférentiel par rapport aux revenus du travail. La moitié des gains en capital sont automatiquement exonérés d'impôt. Cela signifie que l'augmentation de la part du revenu de l'élite qui provient des gains en capital constitue une réduction d'impôt efficace pour les riches.

Dans le même temps, l'ultra-élite est la plus incitée et la plus à même d'engager des avocats, des comptables et d'autres spécialistes coûteux pour l'aider à contourner ses responsabilités fiscales. Les échappatoires que les gouvernements créent, ou refusent de combler, ne profitent réellement qu'à une infime partie de la population.

 

L'INÉGALITÉ DES REVENUS A-T-ELLE VRAIMENT DE L'IMPORTANCE ?

Ceux qui rejettent les préoccupations relatives à l'inégalité des revenus affirment que le revenu relatif n'a pas d'importance. Ces personnes affirment que nous ne devons nous préoccuper que des privations absolues. Il est révélateur de constater que ceux qui avancent ces arguments travaillent rarement à réduire la pauvreté, la faim, le sans-abrisme et d'autres caractéristiques de la privation.

S'il est évidemment important de veiller à ce que les besoins fondamentaux de chacun soient satisfaits, les revenus relatifs n'en demeurent pas moins importants. En voici les raisons :

  1. Premièrement, chacun mérite de partager le surplus diversifié de biens et de services que notre société produit, y compris les expériences de luxe.
  2. Deuxièmement, le revenu relatif est un déterminant important des résultats relatifs en matière de santé. Les personnes plus riches vivent généralement plus longtemps et en meilleure santé que les personnes plus pauvres.
  3. Troisièmement, il est prouvé que l'inégalité n'est pas seulement mauvaise pour les masses au bas de la hiérarchie ; elle l'est aussi pour celles au sommet. Des études montrent que l'empathie tend à diminuer à mesure que les gens s'enrichissent.
  4. Quatrièmement, l'inégalité sape nos efforts pour lutter contre le changement climatique. Comme le montre le Rapport sur les inégalités dans le monde publié récemment, les résidents les plus riches du Canada ont non seulement des émissions de carbone beaucoup plus élevées, mais ils ont augmenté leurs émissions au moment même où la majorité des Canadiens ont réduit les leurs.
  5. Cinquièmement, une forte inégalité nuit à nos institutions démocratiques. Les personnes qui ont des revenus élevés sont plus à même de participer à nos processus politiques. Cela va au-delà de l'argent. Ceux qui ont des revenus suffisamment élevés peuvent se permettre de consacrer plus de temps aux causes qui les préoccupent, comme la préservation de leur propre position privilégiée.

Plus important encore, une inégalité accrue mine la cohésion sociale. Pendant la pandémie, on nous a souvent dit que nous étions tous dans le même bateau. Mais lorsque certaines personnes s'approprient une part tellement plus importante du gâteau, il est difficile d'avoir l'impression que c'est vrai.

 

 

NOTES:

[1] Les données sur le revenu proviennent du tableau 11100055 de Statistique Canada. Les données sur la richesse des ménages proviennent du tableau 36100580 de Statistique Canada.

[2] En 2021, le seuil de la tranche supérieure est de 216 511 dollars.

 

{Graphes : recherche par DT Cochrane, style par Clement Nocos.}